J’aime pas les cross

Par Romain Hude

 

 

Non, je n’aime pas ça, définitivement.

Pourquoi tant de haine envers cette noble épreuve me direz-vous ? D’abord parce que ça tombe toujours mi-janvier et du coup ça chagrine ma conscience pendant les fêtes : « Encore une petite tranche de ce délicieux foie gras mi-cuit mon cher Romain ? » « Sans façon, mon ami, je dois songer à ma ligne, les cross approchent ! »

Et puis les cross c’est sale ! On y salit sa voiture pour aller la garer au fin fond d’une base de loisir. On s’y salit les chaussures rien que pour aller de la voiture à la tente du club. On s’y salit à peu près de la tête aux pieds pendant la course. On salit ses tapis de voiture en remontant dedans…

Et puis surtout les cross c’est éreintant. Une petite bosse par-ci, une petite marre de boue par-là, une montée en dévers de ce côté-ci, un virage à 180° de ce côté-là ! Les seuls qui s’amusent sont ceux qui inventent les tracés. On a parfois plus l’impression d’être un pauvre bidasse sur un parcours du combattant qu’un honnête coureur amateur.

Bref, j’aime pas les cross, mais je les fait quand même, allez comprendre.
 
Ce dimanche à Moisson le temps est tout simplement parfait (pour un cross, j’entends) : froid, humide, ciel bas, quelques gouttes de pluie si vous insistez. Il a déjà fallu parcourir presque 60 kilomètres pour gagner le lieu du crime (une base de loisir tout au bout du département), et je plains fort ceux qui n’avaient pas de GPS. L’endroit doit être plutôt joli en été mais aujourd’hui, avec cette météo, c’est assez sinistre. Serait-ce une scène de crime derrière cette rubalise jaune ? Ha non, c’est le parcours, la grande boucle.
J’arrive donc à la tente du club avec un moral de condamné en sursis. Il y a pas mal de monde et je me déride en saluant les athlètes et cadres du club, qui sont pour la plupart des amis. La joie est de courte durée car on m’annonce sans ménagement une affreuse nouvelle : le parcours est terrible ! Et même terriblement terrible d’après certains. Une rapide reconnaissance nous le confirme quelques minutes plus tard, ce tracé est un condensé de ce qu’on fait de pire : de la boue, des appuis instables, des racines, du relief, des montées et des descentes en dévers et même, comble du sadisme, un long passage dans du sable, à faire 3 fois s’il vous plait ! L’horreur !

Mais plus moyen de reculer, maintenant que tout le monde m’a vu. Il va falloir serrer les dents et penser à autre chose.
 
Pendant notre échauffement les filles ont pris le départ. Nous les voyons passer après à peine 5 minutes d’effort et la souffrance se lit déjà sur leurs visages. Nous les encourageons autant que possible, elles en ont besoin. Mireille finit superbement et va arracher la victoire chez les V1. Myriam, Sandrine et Sabrina ne sont pas très loin. Delphine complète le classement par équipe, suivie par Nicoletta, Pascale,  Stéphanie et Aude. Bravo les filles, il fallait un sacré moral aujourd’hui pour aller au bout.
 
Bientôt 15h, ça va être à nous.

Sur la ligne de départ les visages sont fermés. Tout le monde a compris ce qui nous attend, tels les soldats alliés s’apprêtant à débarquer sur les plages normandes. Les barges s’ouvrent, c’est parti ! Je me suis callé derrière Nicolas car il a annoncé un départ très prudent, mais je suis déjà largué après 200m. Ca bouscule pas mal dans le premier tour, et il faut essayer de se frayer un chemin parmi les autres coureurs, tout en évitant les amas de boue, les racines et les branches basses dans les virages. Un jeu d’enfant en somme. Le passage dans le sable est tout simplement épuisant, si bien qu’à la fin du premier tour, c’est-à-dire même pas au tiers du parcours, je suis déjà lessivé.

Par bonheur nous avons des supporters épatants. Les amis du club se sont repartis sur tout le parcours, si bien que j’entends mon prénom tous les 300m. C’est salvateur. Je retrouve un peu de mental, et de souffle.

100m devant moi je distingue maintenant des maillots familiers. Ce sont Jérôme et Frédéric, deux de nos nouvelles recrues. Ils assurent les salauds ! J’ai bien du mal à grignoter du terrain. Mais au début du troisième tour Frédéric faiblit ; Il ne doit pas être dans un grand jour (ou bien il aime les cross autant que moi) car ses dernières performances en course et à l’entrainement laissaient présager le meilleur. Je l’encourage à rester à mon contact lorsque je le dépasse, mais 200m plus loin il trébuche et s’offre un bain de boue aux frais de la fédé. Pendant une demi-seconde mon esprit tordu espère qu’il s’est fait un peu mal (pas trop quand même) et que je vais devoir lui porter secours, et arrêter ma course par la même occasion. Espoir déçu, il se relève et repart.

Il doit maintenant rester 1500m de course ; je suis complètement cramé. J’ai mal aux jambes évidemment, le contraire serait inquiétant, mais j’ai surtout les poumons en feu, à la limite de la crise d’asthme, et ça ce n’est vraiment pas bon signe. Je reçois des encouragements explosifs de Stéphanie et Nicoletta (le signaleur juste à côté n’en revient pas !), mais je n’ai même plus la force de faire le beau en retour. Ca fait tout de même un bien fou. Merci les filles !

Dernier passage dans le sable, à 600m de l’arrivée, je perds 3 places dans l’affaire, que je reprends juste après. Un petit sprint pour faire bonne figure et je m’affale sur les barrières d’arrivée. C’est fini. YES !
 
Je suis tout heureux d’aller serrer la pince à Miguel et José (qui ont eux aussi donné de la voix) , avec un petit air de « vous avez vu les gars, j’ai même pas abandonné cette fois ». Pascale nous a, comme d’habitude, préparé de quoi nous retaper : chocolat chaud, brioche… Un grand merci à elle aussi.
 
Voilà, c’est comme ça les cross, j’aime pas ça, je râle, je traine des pieds, mais j’y reviens toujours parce que je fais partie d’un club fantastique et que j’aime y retrouver tout le monde. Et tant pis pour les 30 minutes de souffrance qui vont avec.
 
Foulée Royale - 9 Juin
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