Mon premier trail : l’infernal trail des Vosges

Par Eric Chenailler

 

 

La genèse

Début juillet, période de ma coupure annuelle, je construis mon plan d’entrainement pour l’automne. Ce sera un gros cycle de foncier, endurance fondamentale et endurance active (80/88% de FCM), avec un peu de travail neuromusculaire (séries de cotes courtes de 10 secondes et de 80m plat), de mi-juillet à mi-novembre.

Les compétitions à sélectionner seront donc naturellement plutôt orientés semi-marathon que 10 km. Naturellement l’objectif majeur qui vient immédiatement à l’esprit est le championnat de France de semi-marathon fin octobre à Saint-denis. Malheureusement,  il faudra aussi faire quelques 10 km pour atteindre les 10 compétitions nécessaires afin être bien classé au challenge des Yvelines.

Quelques jours plus tard, en regardant le site du club, je me dis : et pourquoi pas aussi le championnat de France de trail court fin septembre ? Je cherche les modalités de qualification : il suffit simplement d’avoir couru un trail du Trail Tour National dans l’année, peu importe la place à l’arrivée de la course. Le seul hic est qu’il n’y a plus qu’un seul trail qualificatif d’ici les France et qu’il a lieu seulement 2 semaines avant : c’est l’infernal trail des Vosges, 30 km et  1000 m D+. C’est un peu court pour une récupération optimale d’ici les France. Je le courrai donc en footing tranquille.

 

La préparation

Mon plan d’entrainement a été un peu adapté afin de prendre en compte cet objectif trail : les sorties longues en endurance fondamentale se feront en terrain vallonné, plutôt que sur le plat, et je monterai jusqu’à 2h, au lieu d’1h45.

La stratégie décidée avant la course

Le principe est de considérer cette course comme une sortie longue. Jusqu’à présent, la sortie la plus longue a été de 2 heures.  Je cherche donc à estimer la durée de cette course. En footing tranquille sur le plat, je coure à 12/12,5 km/h. Là il y aura des côtes, donc je prévois plutôt une allure de 11 km/h, soit environ 2h45 de course (là les traileurs aguerris doivent bien rigoler, je me rends compte a posteriori qu’on perd bien plus de vitesse que ça sur un trail).

2h45, c’est beaucoup plus que ma sortie la plus longue, il faut donc vraiment que je coure lentement, quitte à mettre un peu plus de temps, pour ne pas générer trop de fatigue.

Mais, d’un autre coté, ce sera la seule fois avant les France où j’aurai l’occasion de faire des côtes longues, jusque là je n’ai jamais dû faire plus de 50m de D+ sur une montée en continu. Dans les montées, j’essaierai donc d’être en allure normale de compétition. Les descentes se feront très lentement pour limiter la casse musculaire. Sur le plat, ce sera footing tranquille, 12 km/h.

L’échauffement avant le départ et le footing de récupération après la course sont aussi supprimés, la course sera déjà bien assez longue comme ça.

 

La course

Je pars trop vite, l’objectif était d’être à 11/11,5 km/h au début sur le plat, et en fait je suis plutôt à 13 km/h, pourtant j’ai vraiment la sensation de faire un petit footing tranquille.  Je suis environ en 60eme position, ce qui m’étonne, ça part vraiment lentement.

J’ai pris une ceinture ravito avec 2 gourdes de 250 ml, ce n’est pas obligatoire sur ce trail mais ça le sera à Buis les baronnies, il vaut donc mieux tester avant. Et immédiatement ces gourdes me gênent, elles empêchent le mouvement naturel des bras le long du corps, je tourne un peu la ceinture et ça va mieux. Plus tard dans la course, je me rendrais compte que j’aurais fait une grosse erreur si je n’avais pas pris la ceinture ravito.

La première montée arrive et je commence à gagner des places, je rattrape la 3eme féminine, je suis autour de la 40eme place, mais bientôt le chemin se rétrécit et on se retrouve à la queue leu-leu sans pouvoir doubler. En plus tout le monde se met à marcher. Je ferais donc l’essentiel de la montée plutôt tranquillement, ce qui n’était pas l’objectif recherché au départ.

Arrivé en haut, on redescend immédiatement, je veux la faire tranquille pour limiter la casse musculaire, mais on est toujours sur un chemin étroit où ne peut pas doubler et ça klaxonne derrière, alors j’accélère, mais c’est hyper raide et malgré tout je continue à perdre un peu de temps sur le coureur de devant.

Bref, depuis le début de la course je fais exactement l’inverse de ce que j’avais prévu.

Deuxième grosse montée sur le même mode que la première, arrivé en haut on a un magnifique point de vue, on nous en a parlé au briefing, je m’arrête une vingtaine de secondes pour profiter du paysage mais je suis le seul. Malgré tout je commence à me prendre au jeu de la compétition et je ne sors pas mon appareil photo pour ne pas perdre trop de temps.

Arrivé au bas de la 2eme descente, aussi raide que la première, je regarde ma montre, le GPS indique 9 km. Je prends un petit coup au moral. Depuis le temps qu’on court on n’a fait que 9 km ! Au niveau cardio-vasculaire c’est vraiment tranquille, mais je commence déjà à avoir un peu mal aux jambes et il reste 21 km !

Vers le 14eme km, nouvel arrêt, je suis seul et je ne trouve pas le chemin, heureusement quelqu’un arrive rapidement derrière moi et le trouve. Deux kilomètres plus loin, rebelote, cette fois-ci je pars sur le mauvais chemin mais au bout de 200m je vois 2 coureurs revenir en sens inverse, il n’y a plus qu’à faire demi-tour.

Vers le 17eme km, je double la 3eme féminine, depuis le début de la course c’est un véritable chassé-croisé, j’ai dû la doubler pas loin d’une dizaine de fois. Mais c’est la dernière fois que je la vois, soit elle a ralentie un peu, soit j’ai accéléré, je ne me rends pas trop compte.

Je suis toujours à l’aise, mais je sens bien que les cuisses travaillent quand même beaucoup plus que je ne le voudrais. Pour autant, je n’arrive pas à me raisonner et ralentir. J’ai du mal à profiter du paysage autant que je voudrais : il faut toujours regarder devant ses pieds s’il n’y a pas une racine ou un caillou, les chemins sont vraiment mauvais.

21,9 km : mon GPS s’arrête, il ne redémarrera pas. Je commence vraiment à trouver la course interminable et maintenant je ne saurais même plus quelle distance il me reste à courir.

Un peu plus tard, nouvel arrêt, je ne trouve pas le chemin, heureusement il y a un bénévole qui me dit que le chemin, c’est le lit du ruisseau ! On a de l’eau bien fraiche jusqu’aux genoux et finalement ça fait vraiment du bien. Et on enchaine sur une nouvelle petite grimpette hyper raide.

Ca fait un moment que je suis seul maintenant, je rattrape régulièrement d’autres coureurs, mais la plupart doivent être sur le 72 km ou le 160 km car souvent le différentiel de vitesse est important et ils ont des batons de randonnée.

J’en ai marre, je n’en vois pas le bout.

Je rattrape la 2eme féminine mais je la lache immédiatement.

Début de la grande descente finale, c’est hyper-raide, un extra-terrestre me double en faisant des bonds de cabris, mais comment peut-il prendre de tels chocs dans les genoux ? La suite de la descente est moins raide et plus sinueuse, plus à mon avantage, je déroule tranquillement.

Un gars me rattrape à 200m de la ligne, je ne l’ai pas vu venir. J’ai mal aux jambes mais j’ai encore du gaz. J’accélère à bloc et je ne me retourne pas. Finalement il termine à 10 secondes. 

Je termine 24eme en 3h02, à 32’ du vainqueur, et 2eme VH2.

 

Analyse de la course

Les temps intermédiaires au kms 12 et 19 sont sur le site de l’organisateur. Hormis le cabri qui m’a doublé dans la dernière descente, j’ai les plus mauvais temps de passage parmi les coureurs qui ont terminés autour de moi. Comme je n’ai pas vraiment eu l’impression d’accélérer, ce doit être plutôt les autres qui ont ralenti.

Evidemment, je n’ai jamais été sur un rythme de footing tranquille tout au long de la course, comme cela était mon objectif (hormis dans les montées).

Je n’ai pas non plus fait la course à bloc, même sur la fin j’avais encore de la réserve.

J’ai du mal à estimer la marge qu’il me restait mais elle est probablement assez faible.

Ma FC moyenne sur la course est de 82% de ma FC max, quand je suis à 94% +-2% sur 10 km. Je n’aurai probablement pas pu courir à plus de 85% de FC max.

La conclusion que j’en retire pour Buis les baronnies  est qu’il faut que je ne parte pas beaucoup plus vite que sur cette course car finalement j’ai presque couru à mon maximum.

 

Les sensations du lendemain

Etant donné la longueur de la course, le profil du parcours et la vitesse à laquelle j’ai couru, les sensations du lendemain sont plutôt bonnes (en tout cas meilleures qu’après un marathon alors que la durée de course est sensiblement identique). Il n’y a que les quadriceps qui me font mal, mais c’est assez modéré. Je descends les escaliers sans problème. Par contre j’avais prévu de faire un footing d’1 heure le lendemain, que j’ai transformé en 1 heure de vélo car j’ai quand même trop mal.

 

Faut il faire cette course ?

Je la recommande chaudement. Une organisation au top, une ambiance festive (feux d’artifice,…), des paysages magnifiques, que des petits chemins ou du hors sentiers, des courses multiples (30,72, 160 km mais aussi une course rigolote à la mode mud day), du non-stop pendant 2 jours, des passionnés, …

 

Et à l’avenir

J’ai toujours adoré courir en nature, jeune je préférais largement le cross à la piste. J’ai donc vraiment aimé le trail même si on a du mal à profiter du paysage. Mais c’est une expérience à renouveler avec modération, car la distance est quand même très longue, et ce ne sont pas mes vielles articulations et mes vieux tendons qui démentiront.