Raid du Morbihan : 87 km d’émotions et d’instants forts partagés entre amies

Par Stéphanie Tarin

 

Début 2013, alors que j’hésite à m’inscrire sur le 80 km du Mont Blanc, comme de nombreux traileurs du club, je me décide trop tard, les inscriptions sont closes. Etant néanmoins fermement décidée à tenter la longue distance cette année, je cherche un trail plus ou moins long, entre une soixantaine et une centaine de kilomètres. Après quelques recherches, je craque pour le Raid du Golfe du Morbihan, le site semble magnifique, et les quelques échos que j’en ai sont très encourageants. Il m’en faut peu pour me convaincre, je décide de m’inscrire. J’en parle à mes amies, Christelle et Nicoletta. Nicoletta me suit sans hésiter, Christelle ne tarde pas à nous suivre mais sur le 56 km, ayant quelques ennuis de santé.

Et nous voilà parties toutes les 3 pour un entraînement qui aura débuté en avril. On se fait plaisir sur quelques trails au passage. Mais il nous manque quelque chose pour que cette course de l’amitié prenne tout son sens : Christelle nous parle alors de Margaux : une adorable petite fille pleine de vie foudroyée par la maladie à l’âge de 16 mois. Sa Maman est une amie très proche de Christelle. C’est décidé, nous allons courir au nom de notre amitié pour la petite Margaux. Nous faisons imprimer des tee-shirts pour symboliser la belle cause que nous souhaitons partager et que nous avons choisie, en plus de notre amitié pour parcourir nos 87 ou 56 km. Le jour J approche, nous sommes prêtes, en tout cas dans nos têtes, les jambes n’auront pas d’autre choix que de suivre !

Nous partons le vendredi en début d’après-midi avec Nico, nous arrivons une heure avant le retrait des dossards à Vannes, où nous rejoignons Sandrine, aussi inscrite sur le 87, ainsi que Philippe et Catherine. Malheureusement, Philippe était également inscrit sur le 87 mais il ne pourra pas courir étant toujours blessé. Je les remercie au passage d’être venus, car leurs soutien et encouragements tout au long de la course ont été un vrai bonheur ! Christelle arrivera plus tard, nous la verrons le lendemain.

Après une bonne nuit de sommeil, nous voilà prêtes pour le départ. On retrouve Sandrine pour prendre la navette qui nous conduit sur le lieu de départ. Le soleil et la chaleur sont bien présents ! Nous attendons tranquillement le départ, toutes les 3 allongées sur l’herbe. Nous pensons bien à Christelle qui est partie il y a déjà plus de 2 heures. 17h approche, nous rejoignons la ligne de départ. Avec Nico, nous avons décidé de partir ensemble, et d’arriver ensemble, en restant côte à côte sur toute la durée de la course.

Le départ est donné, nous partons à une allure relativement lente en essayant de nous maintenir à cette vitesse – entre 10 et 11 km/h. On sait que plus tard nous aurons un grand besoin d’énergie. Déjà la chaleur nous gêne, il fait chaud et nous n’y sommes pas encore vraiment habituées cette année ! Les premiers kms défilent relativement vite… 10ème km, je chute violemment, plus de peur que de mal, les traileurs qui courent à nos cotés m’aident à me relever rapidement et Nico promet de veiller sur moi, ce qu’elle fera jusqu’au bout ;-) – tout comme je veillerai sur elle… La chute m’a un peu sonnée mais de repartir tout de suite me fait vite reprendre le rythme et oublier. 1er ravito en eau au 15ème km, nous avons le plaisir et la bonne surprise d’être encouragées par Catherine & Philippe. Nous échangeons quelques mots avec eux, Nico en profite pour réajuster son sac, qui n’était pas bien accroché. Nous repartons, grisées par les encouragements.

Durant la course, un traileur me demandera qui est Margaux, je lui répondrai non sans émotion …

Les paysages qui défilent sous nos yeux sont magnifiques, surtout quand nous longeons la côte. L’arrivée à Auray (2ème ravito) est grandiose : Catherine & Philippe sont encore là, et Catherine nous encourage même de l’autre côté du pont ! Elle nous dit d’ailleurs qu’elle avait l’impression qu’une seule et même personne ne courait tellement nos foulées et nos silhouettes sont les mêmes… touchant … A plusieurs reprises durant la course, des traileurs nous demandent si nous sommes sœurs ou jumelles, au début nous répondions non « amies » ou « sœurs de cœur » puis le non va vite se transformer en oui ! Nous serons alors surnommées les « jumelles du Raid » ;-)

Nous reprenons la course après nous être bien ravitaillées, poches à eau bien remplies. Nous assistons au coucher du soleil sur le Golfe, c’est magnifique, les paysages sont grandioses. La fatigue se ressent de plus en plus, et notamment au niveau des jambes. J’avoue que je ne m’attendais pas à ce que ça arrive si tôt … Nous attendons impatiemment le prochain ravito qui en fait annoncé au 46ème est au 48ème. Nous y retrouvons Sandrine qui n’est pas au mieux de sa forme. Nous restons un peu, nous nous forçons à manger, une soupe chaude, nous remplissons encore les poches à eaux, nous nous couvrons un peu plus et nous équipons les frontales car la nuit est tombée. Cela commence à être difficile de repartir pour les jambes et le corps mais la tête est toujours autant motivée et c’est tout ce qui compte !

Quelques kilomètres après, Nico a de violentes douleurs dans le genou qui l’obligent à s’arrêter. Nous marchons un peu, à une bonne allure et finalement j’essaie de lui faire un 1er strapp puis un second un peu plus loin, qui lui permet de bien avancer sans trop de douleur… Elle m’impressionne par son courage et sa volonté.

Nous atteignons le 5ème ravito un peu après le 61ème km. On ne s’arrête pas longtemps car c’est trop difficile de repartir ensuite, surtout pour Nico avec son genou endolori. Dès qu’elle s’arrête, le redémarrage est très douloureux. Nico est tombée à plusieurs reprises à cause de la fatigue. Mais elle est tellement courageuse qu’elle se relève sans ciller, notamment après une violente chute sur un rocher, où elle m’a bien fait peur !

Il ne reste qu’un ravito, on ne sait plus trop à quel kilométrage, mais l’arrêt sera très éphémère. Nous marchons beaucoup, à une allure relativement rapide car courir s’avère de plus en plus ardu. Mais la volonté d’arriver ensemble pour Margaux est intacte.

Dernier pointage avant l’arrivée, nous apercevons les lumières de Vannes. Nos montres nous ont lâchées il y a un moment. On nous annonce 4,5 km avant l’arrivée. Ces derniers kilomètres nous paraissent interminables, surtout qu’on a l’impression de devoir faire demi-tour à un moment et que cela n’arrive jamais ! Mais à environ 2 km avant l’arrivée, un coureur nous confirme que nous sommes dans la bonne direction. Et là je vois Nico qui, malgré l’épuisement, se remet à courir. Je me cale mécaniquement sur son rythme. La vue du port de Vannes se rapproche petit à petit, puis l’arche de l’arrivée se dessine. Nous continuons de courir tout doucement jusqu’à l’arche, que nous passons main dans la main, épuisées mais heureuses, dans les bras l’une de l’autre. Nous pensons à la petite Margaux, et à notre amie Christelle. La volonté d’arriver ensemble a toujours été présente sur toute la course.
 
Nous voyons Sandrine au ravito, arrivée plus d’une heure avant nous. Nous sommes enchantées de notre course, arrivées en moins de 12 heures, comme nous l’espérions, malgré les quelques chutes ! Après un passage par les tentes des osthéos pour un massage réparateur ;-), nous sommes soulagées sur l’état du genou de Nico, ça ne semble « que musculaire », ouf !! Nous nous dirigeons alors vers l’appartement, heureusement à seulement 600 m du départ !! Notre démarche est étrange dans les rues de Vannes à 5h du matin … Une bonne douche chaude, 3 heures de sommeil, une douche pour se réveiller et c’est reparti ! Nous avons hâte de rejoindre Christelle, qui est radieuse, et a une pêche d’enfer, quelle championne ! Elle nous a émues aux larmes avec son beau discours pour Margaux et notre amitié quand elle est montée sur le podium et a expliqué notre motivation pour la course…

Après tant d’émotions, nous déjeunons tous ensemble au soleil, en nous repassant en boucle cette merveilleuse aventure intense et riche en émotions (je me répète volontairement !!)

Un grand bravo et merci à Nico et Christelle, mais aussi à celles et ceux qui nous ont encouragées, soutenues, félicitées par leur présence, ou leurs messages.

Une mention spéciale à ma jumelle Nico, elle a été impressionnante par sa volonté et son courage, quel bonheur de courir à ses côtés.

Cette 1ère longue course ensemble n’est sans doute que la 1ère d’une longue série entre  3 amies. Vous n’avez pas fini de voir notre tee-shirt « Pour Margaux » ! ;-) Merci mes amies Christelle et Nicoletta.

 
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