"Impressions de course" par Mireille Mull-Jochem

 

Quoi, tu es qualifiée et tu n’y vas pas ?

M’est revenue en mémoire ce week-end une exclamation d’une de mes copines de Mantes, avant les France de Vichy : « quoi, tu es qualifiée et tu n’y vas pas ? il y en a tellement qui voudraient être à ta place… »

J’avais gardé de LAVAL un très bon souvenir, mais je ne me rappelais plus à quel point c’est spécial, un France de cross. L’ambiance commence déjà sur l’aire d’autoroute, où nous croisons des dizaines d’athlètes, un peu partout. Entre Miguel, qui connait tout ce petit monde parfaitement, et Jean-Marc, qui est, on peut le dire, une encyclopédie vivante de l’athlétisme, nous sommes déjà au cœur de l’évènement… Au gymnase de la Roche sur Yon, où nous récupérons les dossards, l’ambiance a encore monté d’un cran. Je retrouve avec plaisir Stéphanie, avec qui j’avais partagé mon premier « France » à st Quentin.

L’adrénaline est à son niveau maximum. Je suis heureuse d’être là….

Le temps est ensoleillé et assez doux, et le parcours, que nous reconnaissons en trottinant, me plait d’emblée. Deux grandes boucles qui consistent en un tour d’hippodrome et deux passages en sous-bois. Pas de grosses buttes, mais du petit dénivelé, en permanence. Mes deux coachs sont formels : c’est un parcours qui convient parfaitement aux petits gabarits comme le mien. Je devrais m’y sentir à l’aise. Dont acte.

Le lendemain, le temps est très frais, le vent glacial. Il faut se faire violence pour enfiler le short et le débardeur. Mais je me sens bien et confiante. Petit loupé juste avant le départ, je ne retrouve ni Miguel ni Jean-Marc. Heureusement, un visage connu, je me débarrasse de ma veste in extremis avant de prendre place dans le SAS « individuelles ». La ligne de départ est impressionnante, nous sommes plus de 400. L’adrénaline est à son niveau maximum. Je suis heureuse d’être là….
 

« pas d’affolement » m’a répété Miguel, pas d’énergie à gaspiller ici…

Je sautille en permanence, pour éviter de congeler, j’ai hâte que le coup de feu retentisse. Je suis hyper concentrée. Le départ est comme je l’imaginais, très rapide, malgré une première butte tout de suite. Au premier virage, c’est la cohue, trois ou quatre filles chutent juste à côté de moi, ça joue des coudes, « pas d’affolement » m’a répété Miguel, pas d’énergie à gaspiller ici… après le virage, une petite descente pour se refaire une santé, je souffle bien, je laisse aller sans freiner, la course est maintenant bien lancée. Je pense avoir pris un bon départ : à l’amorce du premier tour d’hippodrome, quelqu’un me compte 70. 

il faut composer avec le vent, le dénivelé, le sol qui s’enfonce…

Premier tour d’hippodrome ; dans cette portion qui remonte vers les tribunes, les choses se corsent : il faut composer avec le vent, le dénivelé, le sol qui s’enfonce… je déploie une énergie terrible et je n’avance pas, mais je tiens ma place, à tout prix… au virage, je grappille même quelques places ; je dépasse Anne-Laure qui n’a pas l’air bien du tout. Enfin, le premier sous-bois, le sol est bien plus dynamique, et la ferveur des spectateurs efficace ! Les encouragements de Miguel, Jean-Marc, Gaëlle, Carlos m’aident à tenir le rythme. J’essaie de me relâcher le plus possible, de chercher l’aisance, je sais que je mange mon pain blanc ici, le second tour d’hippodrome va être terrible.

 

Quand je franchis la ligne, je sais que j’ai tout donné

Seconde remontée vers les tribunes, le champ de labours me parait encore plus lourd, d’ailleurs, je souffle comme un bœuf ! le peloton s’est vraiment étiré et je n’ai plus personne pour m’abriter du vent. Il faut garder le rythme, absolument, mais les jambes ne m’obéissent pas au doigt et à l’œil. Je concède quelques places. Avant l’entrée du premier sous-bois, deux vétéranes me dépassent, coup sur coup. Je garde mon calme. « La route est encore longue », me crie Miguel… ça, je le sais, mais je sais aussi que le plus gros du boulot est fait.

On me compte 79, ce n’est pas possible de perdre 20 places à ce stade. Je dois tenir à tout prix, toutes les cellules de mon corps sont orientées vers cet objectif. Le virage en épingle, puis la dernière remontée vers les tribunes. J’ai le souffle coupé, je suis cuite, mais les autres aussi, c’est pas possible autrement… le brouhaha de l’arrivée s’approche, certaines parviennent encore à accélérer...

Quand je franchis la ligne, je sais que j’ai tout donné ; j’ai le ventre plié en deux, le goût métallique du sang dans la bouche, la sérénité de l’accomplissement…
 

 

 

 
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