La TDS, par Nicolas

LA TDS, par Nicolas JEANJEAN

Août 2019

 

 

J’étais inscrit sur la TDS 2017 mais une déchirure au mollet en toute fin de préparation m’a empêché d’y participer. Compte tenu des circonstances, le médecin de l’organisation accepta que je puisse m’y réinscrire sans avoir à passer par le tirage au sort, une chance quand on connaît le nombre de prétendants.

N’ayant plus les points nécessaires en 2018, je fis le nécessaire (Ecotrail Paris 80km et Morvan Oxygène 80km) pour pouvoir m’inscrire en 2019. En découvrant que l’organisateur avait pour cette année rajouté un petit bonus au parcours (rajout de 25km et plus de 2000 D+), j’hésitais quelques semaines avant de m’y engager, ma seule expérience en montagne étant jusque là l’OCC 2015 (55km et 3400D+). La marche semblait bien haute, mais je me suis finalement décidé en me disant qu’il ne fallait pas laisser passer cette occasion unique.

 

J’ai fait une préparation sérieuse de 15 semaines environ, dont 2 en montagne, combinant course à pied et vélo pour un total de 1160km et 26700m D+ en course et 1150km et 16200m D+ en vélo. Le seul problème physique de la préparation fut une contracture, qui ne m’a mis au repos que 5 jours, lors de l’unique compétition prévue sur cette période (Trail du vieux lavoir).

 

Arrivée à Chamonix le Dimanche avant la course pour profiter pendant 3 jours de l’ambiance 100% trail : balades en ville, départ de la PTL, arrivée de la MCC, salon de l’ultra-trail et retrait des dossard.

 

Le départ de la course est prévu de Courmayeur le Mercredi à 4h. Départ en voiture à 2h du matin accompagné par mon frère qui va assurer l’assistance.

Au menu du jour, un parcours de 145km avec 9100m de D+ de Courmayeur à Chamonix en passant par Bourg-St-Maurice, Beaufort et les Contamines où seront localisées les bases de vie où l’assistance est autorisée.

 

 

 

La météo, si elle n’est pas idéale pour les photos, est parfaite pour une telle aventure : ciel voilé donc pas de chaleur à craindre même aux heures où le soleil est au zénith, pas de pluie ni de de températures trop basses même de nuit sur les cols. Je mettrai la veste qu’un petit quart d’heure lors du passage venteux d’un col dans le Beaufortain.

 

 

Nous arrivons à Courmayeur un peu avant 3h, je termine tranquillement de me préparer et vais me mettre en place sur la ligne 30min avant le départ. Souhaitant partir très prudemment, ma place au coeur du peloton me convient parfaitement. L’ambiance est plutôt détendue, les coureurs ne sont pas vraiment attentifs au court briefing. Le départ est donné.

 

Je peux découper ma course en 6 blocs correspondants certes à des portions du parcours mais aussi à des états physiques et psychologiques différents.

 

Courmayeur  - Bourg-Saint-Maurice 50km

En ce début de course tout se déroule comme je l’avais imaginé : montées en aisance respiratoire et descentes à vitesse modérée (n’ayant jamais descendu un tel D-,je tiens à préserver mes quadriceps), la course sera longue. Je double des coureurs en montée et à l’inverse me fait doubler en descente, surtout sur les portions les plus techniques qui sont rencontrées avant de remonter vers le Petit St-Bernard puis dans la longue descente vers Bourg St-Maurice.

 

Quelques kms avant Bourg, une douleur assez aiguë se fait sentir dans le genou gauche dès lors que la pente présente un certain % et que je l’aborde à une certaine vitesse.

Je ralentis lorsque nécessaire et arrive à Bourg en 7h17 en 354ème position. Je n’ai aucune douleur musculaire. Excepté le genou, tout va pour le mieux.

Je retrouve mon frère qui s’occupe de recharger mon sac en boisson et aliments solides. Cela est très appréciable et me laisse le temps de me restaurer convenablement : riz, vermicelles, bouillon salé, biscuits sucrés/salés, fruits secs. Cela va être mon régime sur tous les points de ravitaillement. Dans mon sac je mettais des gels, pâtes de fruit  et de la boisson énergétique. Je n’ai eu aucun problème digestif pendant la course ce qui est essentiel pour tenir sur une telle distance.

Je profite de ce ravitaillement pour m’appliquer un peu de crème à l’arnica sur le genou ainsi que de la crème anti-frottements aux pieds. J’hésite à changer de chaussures, ce qui aurait pu soulager mon genou, mais décide de rester en Scott supertrac et attendrai Beaufort pour un changement éventuel.

Je ressors du ravito de Bourg-St-Maurice après 15min.

 

 

 

Bourg-St-Maurice - Cormet de  Roselend  16,5km

 

Pour une raison que je ne m’explique pas encore, alors que, comme je l’ai dit tout allait bien jusque là, dès le début de la montée vers le fort de la Platte à la sortie de la ville mon coeur s’emballe alors que ma vitesse verticale est inférieure à celle que je tenais dans les montées précédentes. Je suis obligé de m’arrêter de plus en plus régulièrement pour reprendre mon souffle. Je refais le plein d’eau au fort de la Platte et continue en direction du Passeur de Pralognan.La montée est interrompue par une courte descente très technique dans laquelle le genou refait des siennes. Je commence à douter de ma capacité à aller beaucoup plus loin. Je reprends la montée vers le Passeur de Pralognan toujours avec la même difficulté. Arrivé enfin au passeur, je prends le temps de m’asseoir 5min avant de m’engager dans la descente. Elle commence par un pierrier où des cordes, indispensables, ont été disposées dans les premières dizaines de mètres. La technicité associée à la douleur rendent cette descente très pénible à mes yeux. Je finis par rejoindre la piste de 2 ou 3 km qui nous conduit au Cormet de Roselend. 4h45 se sont écoulés depuis Bourg-St-Maurice. Je retrouve mon frère, lui décrit mon état. Il me dit simplement de bien m’alimenter et de repartir doucement. Ce que je fais. Il m’accompagne sur les premières centaines de mètres à la sortie du ravito 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cormet de Roselend - Beaufort 26km

Nous continuons l’aventure dans le coeur du Beaufortain. Les montées sont très raides, les descentes toujours techniques. J’ai l’impression que les baliseurs du parcours ne se sont pas embêtés à suivre les sentiers et se sont contentés de tracer droit dans la pente dès que c’était possible !

Dans la descente vers la Gittaz je me rends compte que la douleur au genou a disparu. Première bonne nouvelle depuis au moins 6h. Je poursuis par la côte d’Ani jusqu’au Pas d’Outray. La forme semble revenir également dans les montées, je reste toujours prudent dans les descentes.

Il fallait être patient et laisser passer le coup de “moins bien”.

Dans la descente interminable vers Beaufort, j’ai suivi, dans un premier temps, un autre coureur jusqu’à ce que nous rattrapions un groupe de 5 ou 6 personnes. Le groupe finira par éclater et je terminerai seul jusqu’à Beaufort. Je suis descendu trop vite. Mes quadriceps me le rappellerons dans les 2 grandes descentes qui restent encore à effectuer. 

J’arrive au ravitaillement de Beaufort après un total de 18h18 de course à la 395ème position. Cette longue période compliquée m’a ralenti mais ne m’a pas trop coûté de places. Probablement que beaucoup de coureurs doivent également être dans la difficulté.

Mon frère est fidèle au poste. Tout le matériel est sorti du sac de délestage, je n’ai qu’à prendre ce dont j’ai besoin. Même régime et mêmes soins qu’à Bourg-St-Maurice mais en prenant plus de temps. 35min environ. Nous discutons avec un autre coureur attablé à nos côtés. Tout cela est sympathique mais il faut y retourner. Je réponds à quelques messages par téléphone en sortant le la base de vie.

 

Beaufort - Col du Joly 22,3km

Sur la première partie de ce tronçon, nous nous attaquons à une côte de 1500m D+ jusqu’au col de Very via le ravitaillement d’Hauteluce. Je retrouve sur cette montée de très bonnes  sensations. Je gagne plus de 100 places en 15km. Je discute avec un coureur espagnol venant des Canaries. Il me dit être surpris de la difficultés des montées et la technicités des descente du parcours. Il s’agit de son premier séjours dans les Alpes. Je remarque aussi des coureurs dormant le long du sentier dans le froid et l'humidité.

La partie entre le col de Very et celui du Joly a été pour moi la moins agréable du parcours. Il fait nuit noire, sans lune, nous distinguons à peine les montagnes. Le sentier passe dans une zone de pâturage (il faut bien du lait pour produire le fameux Beaufort)  très humide où nous devons slalomer entre passages boueux et bouse de vaches.  Il m’a fallu 1h40 pour me sortir de ce bourbier.

Les quadris deviennent douloureux dès que j'accélère en descente, rallongeant les temps de parcours.

Les piles de ma frontale commencent également à donner des signes de fatigue mais je préfère attendre d’être au Col du Joly pour les changer. Je ne veux pas risquer de faire tomber et perdre une pile neuve dans la boue.

Enfin nous apercevons la lueur du col du Joly que nous atteignons après une dernière butte.

Les 24h de course sont dépassées, je suis 273ème. Je sais qu’à partir de là les descentes seront compliquées à cause des quadris et j’espère que je pourrai tenir le rythme que j’ai dans les montées depuis Beaufort.

 

 

 

Col du Joly - Les houches 25km

 

Comme prévu la descente vers les Contamines a été longue. En avançant doucement je ne souffre pas, donc il me suffit de prendre mon temps. Ce que je fais sur un parcours qui alterne entre piste de ski et monotrace.

En arrivant en bas de la descente, je trouve finalement que les 9km annoncés à la sorti du ravito sont passés très vite. Et pour cause, je n’avais fait que 5,2km et il restait encore 3,9km pour rejoindre les Contamines en faux plat légèrement descendant !!

Cette partie m’a semblé très longue, n’y voyant aucun autre coureur je me suis même demandé si je n’étais pas perdu malgré les balises. Ce sentier ne semblait mener nulle part. J’ai même croisé un coureur qui avait fait demi tour et qui devait avoir les mêmes doutes que moi…

Enfin le ravitaillement des Contamines était là. Pour la dernière fois j’avais droit à l’assistance de mon frère. Même menu, mêmes soins. En me voyant me masser les quadris, un bénévole me propose d’aller voir un kiné : j’ai donc pris 10min pour me faire faire un massage.

 

Je repars des Contamines pour prendre la direction du Chalet du Truc. Je ne monte pas aussi vite qu’après Beaufort mais le rythme est acceptable. Une petite équipe de télévision est là pour faire quelque images. Et j’apprendrai le Dimanche par un collègue de bureau qu’on m’a vu au 20h de TF1 le Samedi soir (minutes 1:21 et 36:14 sur le replay !!).

Arrivée au chalet au moment où les randonneurs qui y ont passé la nuit sont en train de reprendre leur route. Nous enchaînons avec une petite descente avant de nous lancer dans ce que je croyais être la dernière difficulté  : le col du Tricot.

J’effectue la montée bien calé dans un petit groupe de 3 ou 4, nous conservons un rythme régulier jusqu’au col.

Courte pause au col et je m’engage pour 10km de descente vers les Houches via Bellevue.Le début est assez technique, en tout cas pour mes quadris !

Les nombreux randonneurs que nous croisons nous encourage chaleureusement et se rangent sagement au bord du sentier pour nous laisser passer. Avant Bellevue nous franchissons la passerelle de Bionnassay, surplombant un torrent impressionnant, probablement le passage le plus remarquable du parcours.

Après la passerelle, une mauvaise surprise nous attend puisqu’il faut encore remonter plus d’une centaine de mètres avant d’atteindre Bellevue. Certes cela parait bien peu comparé à ce que nous avons gravi jusque là mais, croyant que nous en avions fini avec les montées, cela donne un petit coup au moral.

Nous sommes enfin à Bellevue après avoir franchi les voies du tramway du Mont-Blanc.

La descente se poursuit ensuite à travers pâturages et  monotraces en forêt puis finalement par une route asphaltée. Je rattrape un peu avant les Houches mon camarade espagnol avec lequel j’avais effectué la montée au dessus d’Hauteluce. Il souffre beaucoup plus que moi dans les descentes....

J'atteins les Houches après 31h07 de course. J’y croise mon frère et 2 couples de connaissance avec qui je prends le temps d’échanger quelques mots.Je me dis qu’il va être difficile de rentrer à Cham’ en moins de 32h. Ayant encore boisson et gels sur moi, je ne m’arrête pas au ravitaillement pour ne pas hypothéquer la petite chance qui me reste..

 

 

 

 

 

Les Houches  - Chamonix 7km

Je poursuis la descente à allure très modérée jusqu’à la traversée de l’Arve. C’est le moment que je choisis pour accélérer. Sur le plat, voire en faux plat montant, mes jambes répondent bien. Lorsque le chemin  se fait plus pentu je repasse en marche-course. Les promeneurs sont de plus en plus nombreux alors que je me rapproche de l’arrivée. Tous prennent le temps de m’applaudir.

Je suis au rond-point marquant l’entrée dans le centre ville, à environ 1km de la ligne à 31h56 de course à ma montre. J’accélère encore, le public nombreux en ville à cette heure m’encourage comme si j’allais gagner. Dernier virage et franchissement de la ligne en 31h59:15 à la 269ème position.

 

Je salue les personnes qui m’attendent sur la ligne, vais chercher la fameuse veste finisher impossible à porter ailleurs que dans cette ville fin Août. Je passe au ravito où le menu est encore le même que sur la course, saturé je cherche des aliments que je n’avais pas consommés jusque là.

 

Je vais ensuite prendre une douche pour être frais pour assister à l’arrivée des 1ers de l’OCC.

La TDS dans laquelle je m’étais investi pendant 4 mois est terminée.  

 

 

 
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