La SaintéLyon

par François Mignon

 
La Saintelyon (prononcez SAINTÉ), course d’endurance au goût d’aventure…selon la pub !

D’abord des chiffres :
69 kms
1300 m de dénivelé positif
1700m de dénivelé négatif

Pourquoi les chiffres ?
Par ce que c’est de l’objectif, du tangible, on se bat contre quelque chose qui est fini.
Qu’à peine un pas de fait, on peut dire, il en reste un nombre fini, qu’il ne peut que diminuer, donc d’aller au bout est une certitude. Sauf que on se bat aussi contre quelque chose qui n’a pas de fin, la douleur. Liée à la distance mais surtout aux conditions

La nuit.
La solitude.
Le froid.
La boue.

 La nuit
Des lampes frontales vont permettre de se donner une illusion de maîtriser son environnement (En fait, l’environnement se réduit aux deux mètres devant soi). L’excitation du défi va permettre de lutter contre le sommeil qui viendra plus tard, accentué par la fatigue.

La solitude.
Comment être seul avec 8000 participants ? En en connaissant aucun ! Et quand bien même un ami se trouverait dans cette foule, on est toujours tout seul quand on court. L’ami c’est plutôt pour l’après course, pour se remémorer cette épreuve et partager ses souvenirs.

Le froid
L’hiver, l’humidité malgré la technologie gagne toujours…ce n’est pas les couches successives de tissus sophistiqués qui élimineront ces litres de sueurs et la chaleur qui s’enfuit à chaque mètre, épuisant les réserves, viendront rappeler que nous ne sommes pas des mécaniques mais des êtres vivants et que le milieu ambiant est hostile (quoique cette année il a été clément : il n’a pas plu ni neigé !)

La boue
C’est le seul facteur que je n’ai pas pris en compte suffisamment et j’ai regretté de ne pas avoir pris mes chaussures de trail, m’étant dit que les chaussures les plus légères seraient les plus supportables pour cette distance, mais grave erreur, car si la route est majoritaire (55%), la boue occupe le reste, et elle colle et glisse…les gentilles portions sur le papier qui évoquent la traversée de bois deviennent un enfer de ruisseaux dégoulinants… « le passage du garon » : un bain de boue jusqu’aux chevilles on se croirait au trail du vexin…pas grave , les basquettes passeront dans la machine à laver…

Comment réussir ? Par l’habitude.
Qu’est ce que l’entraînement ? C’est l’habitude.
C’est exercer son corps et son esprit à résister à la douleur.

Résister à la douleur ne relève pas du courage mais de l’endurance.
Le mental est comme un muscle. J’ai habitué mes mollets autant que mon esprit à obéir à ma volonté. Lorsque le muscle crie à l’hypoxie, à l’hypoglycémie, l’esprit dicte de continuer et d’oublier. C’est impressionnant de voir son cerveau s’auto infliger un automatisme : d’ici au prochain poteau je cours, ensuite je marche jusqu’à l’autre….et je recommence…(pas une exclusivité comme méthode !)

Alors pourquoi ? Pourquoi s’infliger cette souffrance volontaire ? Masochisme ? « Comportement d'une personne qui cherche le plaisir dans la douleur » selon le dictionnaire et bien non la vraie définition de masochisme implique une autodestruction, une déchéance, un avilissement ce qui l’éloigne de la pratique sportive de 180 degrés, qui recherche tout le contraire : progression, croissance, exaltation. D’ailleurs où est le plaisir dans les crampes ? Non, le plaisir est dans la liberté, de reculer ses propres barrières, de se croire immortel, de se fixer un objectif, de se donner la capacité de l’atteindre et de le réaliser… "Tout ce qui nous tue pas nous rend plus fort" dit Nietzsche. Combien de fois des gens m’ont dit, courir un marathon ? Impossible ! “Ce n’est pas le chemin qui est difficile, c’est la difficulté qui est le chemin”.Çà c’est de Kierkegaard. Avec ces deux là on peut aller loin…très loin…toujours plus loin…

Ce matin, je prends un peu de repos, un peu « cassé », courbaturé, soigne mes orteils, savoure le confort et la chaleur de mon nid douillet et vous livre le fond de ma pensée, déjà tournée vers d’autres défis.