Me voilà inscrite, munie des billets de train : aller pour St Etienne, retour de Lyon…

Par où commencer ? D’ailleurs je ne sais même plus quelle est l’origine de ce projet… Le fait d’avoir dû renoncer au Martahon des Causses y est sûrement pour quelque chose, il me fallait « ma » course avant de finir l’année ! Anne a renchéri, et me voilà inscrite, munie des billets de train : aller pour St Etienne, retour de Lyon. Entre les deux, y’a plus qu’à… courir ! avec Anne et John, qui s’engage aussi dans l’aventure. Les Causses ne lui ont pas suffi.

On récupère dossards, casquettes vert fluo, aux couleurs de St Etienne, et gobelets à emporter…

Je vous passe le stress, surtout celui des derniers jours : quel équipement ? Va-t-il faire chaud, froid, de la pluie, du vent ? Je ne suis pas frileuse, mais quand même, les effets de la durée de la course avec la fatigue, l’altitude, l’éventuelle humidité, le possible vent… ne vont-ils pas avoir raison de mon endurance ? Une lampe, avec des piles de rechange, deux lampes pour ne pas avoir à changer les piles en cours de route ? ravitaillement ou non, malgré les nombreux points prévus ? Ce n’est pas grave, j’en emporte le maximum et je trierai sur place, vu que le reste partira à Lyon en bus !
Arrivée dans la halle des sports de St Etienne samedi vers 16H00. Plus que 8H avant le départ, que va-t-on faire ? Sur les conseils de Anne, qui en est à sa troisième édition, on s’installe dans un coin, sur un tapis et on s’étale un peu pour se garder de la place en vue de la soirée. On récupère dossards, casquettes vert fluo, aux couleurs de St Etienne, et gobelets à emporter si on veut boire en route (mes convictions écolos sont comblées !), d’ailleurs la course entière est placée sous cet aspect développement durable. Dans la halle voisine, concours de vaches ! on a l’impression d’entrer dans une grande ferme, odeur de foin et de bétail, j’adore ! On s’y promène un peu, on goûte quelques fromages de chèvre et retour vers nos sacs où il faut passer le temps. La halle commence doucement à se remplir ! Mise dans l’ambiance : lecture du roadbook, un coureur voisin s’électrostimule, d’autres essayent leurs équipements, d’autres encore sont enfouis dans leur sac de couchage et ont l’air de dormir malgré le micro de l’animateur qui se balade de stand en stand ! Il va être l’heure de rejoindre le hall C pour la pasta party dont seul un millier de coureurs pourront bénéficier. John préfère rester à sa place avec sa salade, Anne et moi sommes parmi les premières à déguster notre repas chaud, bien appréciable !
Encore presque 5H00 avant le départ, il est temps de se reposer : on s’enroule dans les couvertures et on essaye de dormir… nous sommes de plus en plus cernés par d’autres coureurs en attente qui veulent aussi profiter du tapis ! Vers 22H00, on émerge. Anne a dormi, John a beaucoup remué, et je me suis reposée… C’est le moment crucial où il va falloir se décider à choisir ce qu’on va prendre sur soi et ce qui ira directement à Lyon. Anne est partisane du moindre poids, John est encore indécis, et moi j’applique plutôt le principe de précaution. Je courrai avec la polaire achetée sur les conseils péremptoires de Christiane, et je prendrai les deux coupe-vents dans mon camel ! les sorties pipi s’avèrent très difficiles car le sol est littéralement jonché de coureurs couchés, assis, se pommadant, mangeant un dernier morceau de gatosport, essayant une dernière fois les piles de la frontale… Bref toute une ambiance fiévreuse qui me ravit ! On pose les sacs dans les bus répertoriés, une dernière boisson chaude et il faut bien se résoudre, excité et stressé, à rejoindre la ligne de départ.

Je me sens prise, entraînée dans cette aventure…

Tout le monde, soit environ 4700 coureurs (les 4000 qui font la course en relais partiront une heure plus tard), est prié d’allumer sa lampe pour la photo de groupe ! On les éteint pour le début du parcours car il y environ 5km éclairés dans St Etienne. Anne est partie devant, John m’assure qu’il va courir avec moi, mais ses grandes jambes le tirent vers l’avant, alors il ralentit de temps en temps et m’attend.

Je me sens prise, entraînée dans cette aventure, et comme d’habitude je ne me souviens pas de grand-chose. A la sortie de la ville, on prend des entiers boueux, plutôt grimpants… ne me connaissant pas sur cette distance, je me force à prendre un rythme lent, à monter les interminables côtes en marchant même si le désir de trottiner est très fort, car je me sens bien et je pourrai gagner des places, mais avec quels risques pour la suite ?

Une demie banane et une Vache qui rit, ou une tranche de saucisson avec un bout de pain, et c’est reparti…

Le premier point de contrôle et ravitaillement est à 16km, il est le bienvenu, la foule m’empêche d’accéder au solide, à moins d’y perdre un temps que je considère comme précieux. J’extrais mon gobelet de mon sac, je bois un coup, je prends une figue dans ma poche et je repars. Le ravitaillement suivant n’est qu’à 6km si je me souviens bien ! ça monte encore, dans des sentiers, et après je ne sais plus… impossible de décrire le parcours ! J’ai le souvenir de sentiers en descente, pas très pentus mais caillouteux où je peux commencer à doubler, de sentiers sur le plat où les ombres ne permettent pas de bien appréhender le relief et qui rendent la course presque plus difficile qu’en descente ! Je perds John, est-il devant ou derrière ? Je rattrape Anne entre le 20ème et le 30ème km, ce n’est pas normal, et il y a une explication : elle est malade ! Nous courrons un peu ensemble et elle est obligée de faire une pause. Je continue, les arrêts aux ravitaillements sont brefs, un coca coupé d’eau, une demie banane et une Vache qui rit, ou une tranche de saucisson avec un bout de pain, et c’est reparti. Je savoure malgré tout cette ambiance où les coureurs fatigués peuvent se poser, discuter, partager leurs difficultés ou leurs joies, où les bénévoles sont vraiment dévoués, car on est quand même en pleine nuit et l’horloge biologique ne doit pas tourner très rond ! Mon plus grand étonnement : découvrir des coureurs ayant une morphologie et un équipement de « pros » qui ont l’air vidé, alors que je me sens toujours bien. A croire que les pâtes de St Etienne n’étaient pas seulement à base de blé ! On aperçoit aussi quelques momies enveloppées dans des couvertures de survie attendant le départ de la navette pour être rapatriés. Je les plains, ils doivent être vraiment malheureux de ne pas pouvoir finir cette aventure !
 

J’ai le souvenir de descentes sur route qui n’en finissent pas…

La course continue, et je me sens toujours bien, je n’y comprends rien. Au bout de 25 km, je me dis, « plus qu’un Aubrac », au bout de 35km, je me dis « plus qu’une Pastourelle », je peux accélérer un peu et m’autoriser à trottiner dans les petites montées ! Au panneau « Arrivée à 30 km », je me dis « c’est bon plus que 30km ! », je n’avais jamais imaginé pouvoir me faire un jour ce genre de réflexion, avec déjà 39km dans les jambes ! Et toujours des spectateurs aux points de croisement avec les routes, eux aussi ils sont courageux !

A environ 20 km de l’arrivée (moins d’un semi !), j’ai battu mon record de durée et de distance, et je vais encore étonnamment bien. J’ai le souvenir de descentes sur route qui n’en finissent pas ! Je gagne des places, certes, mais les cuisses commencent à durcir et le choc des pieds sur le bitume commence à faire mal ! Les quelques montées sont finalement les bienvenues : je marche quand ça monte sec, je trottine quand c’est plus doux ! On atteint enfin Lyon, dont on voyait les lumières depuis déjà un bon moment. Ouf, voici la descente de Fourvière, vraisemblablement la dernière, car Anne m’a dit qu’après on avait 5km de quais le long du Rhône. Ultime surprise : on remonte, il paraît que c’est une nouveauté, pas du tout du goût des anciens de la course ! Bof, je me dis que plus on aura de sinuosités, moins on aura de quais, et ça me va bien ! Et voici la vraie dernière descente, comportant des escaliers, qui nous mène à l’église St Georges, au bord du Rhône, à 5 km de l’arrivée, dernier ravito. Je prends un coca et je m’apprête à aborder cette dernière partie qui m’effraye un peu : c’est long 5km en ligne droite, si près du but ! On tournicote dans des vieilles rues pendant environ un km et on rejoint enfin les quais. On va bientôt voir Gerland, paraît-il ! Et alors, ce que je voudrais, c’est y être, pas le voir à 4km… ! je continue à gagner quelques places « grâce » à des coureurs devenus marcheurs, mais j’en reperds car certains ont plus d’énergie que moi !

 

Je suis heureuse, et fatiguée ! la dernière dizaine de km a été un peu dure…

Et voilà l’arrivée, toujours plus loin que ce qui est annoncé par les spectateurs ! Ils ne se rendent pas compte que 200 m, ça compte ! 8H13, alors que j’espérais ne pas dépasser les 10H00 (je n’ai appris mon podium que tard dans l’après-midi). Je suis heureuse, et fatiguée ! la dernière dizaine de km a été un peu dure, surtout à cause des descentes. Je récupère mon Tee-shirt finisher vert fluo, mon sac et je file sous la douche (froide) avant qu’il y ait trop de monde. Nous nous retrouvons avec Anne, qui n’a fini que 25 mn derrière moi malgré son état qui l’a empêché d’absorber quoi que ce soit pendant la course, hormis un peu de Coca. Chapeau ! je pense que dans état pareil, j’aurais abandonné. John arrive plus tard, car sa vocation de Bon Samaritain a encore été sollicitée : il a attendu les secours avec un coureur qui a fait un malaise juste devant lui, personne d’autre ne s’étant arrêté ! Outre le temps « perdu », le refroidissement lui a rendu le redémarrage difficile.

 

Un grand merci à tous ceux, et surtout toutes celles, qui m’ont encouragée et supportée…

Un grand merci à tous ceux, et surtout toutes celles, qui m’ont encouragée et supportée (dans tous les sens du terme) les derniers jours, et jusqu’au dernier moment. Merci à Miguel qui a enfin réussi à faire rentrer dans ma petite tête que la récupération faisait partie de l’entraînement. Je crois vraiment que c’est parce que je me suis bien reposée les quelques jours avant la course et que je me suis astreinte à partir doucement que j’ai pu garder cette forme tout au long du parcours. Je suis quasiment incapable de décrire la course, au contraire de François l’année dernière, mais j’en retiens des sensations extraordinaires, un vrai plaisir de courir, de partager avec des milliers d’autres ces moments où on a l’impression à la fois d’être tout petit, mais aussi que le monde est à nous. Les conséquences ne sont pas dramatiques : un peu de raideur lundi, mais aujourd’hui mardi, plus aucune douleur au repos.